Les SDF sont servis tout l'été « Pour le moment, je n'ai pas trouvé de travail »

Publié le 15 Juillet 2009

AIDE ALIMENTAIRE. Pour la première fois, elle ne s'interrompt pas en juillet-août. Le Coffee-bus a pris ses quartiers hier pour distribuer des repas aux SDF, square André-Lhôte


Les bénévoles des associations à l'heure de la première distribution, hier midi. (photo philippe taris)
Les bénévoles des associations à l'heure de la première distribution, hier midi. (photo philippe taris)

Plus belle au soleil, la misère ? Tu parles. Pour les SDF, l'été, c'est zéro vacances, évidemment, et moins d'associations pour les aider. Et s'il ne fait plus froid, dormir à la dure ou dans sa voiture n'est pas plus confortable. Au moins, cet été ils auront à manger trois fois par jour. Une première qui rassure les intéressés, si elle ne les sort pas de l'ornière.

La distribution des repas a commencé hier au square André-Lhôte, vers Mériadeck. Là où quelques-uns d'entre eux passent leur journée sur un banc en attendant qu'ouvre le foyer Leydet. Avec 90 places offertes à Nansouty, il s'agit là du centre d'hébergement le plus sollicité de la ville, été comme hiver. Pour cause en ce moment : la Halte 33, cours Balguerie-Stuttenberg, également bien fréquentée en hiver, a fermé ses portes pour permettre à ses animateurs de prendre quelques vacances. Le 115 (numéro de téléphone du Samu social qui permet aux SDF d'être orientés vers un foyer d'accueil) fonctionne toujours 24 heures sur 24 mais Joss, l'un des premiers bénéficiaires des repas d'été note qu'« en ce moment, il faut appeler sans cesse et rappeler encore pour être sûr d'avoir une place ».

Le creux de l'été

Sans compter que, les bénévoles ayant aussi droit à des vacances, la plupart des associations ne sont plus en mesure d'assurer des permanences. D'où un creux dans l'aide aux SDF déjà pointé l'an dernier. Sous l'égide du Centre communal d'action sociale (CCAS), des distributions avaient été mises en place le 14 juillet et le 15 août, quand la ville est vraiment vide et que même les voisins qui donnent un peu ne sont plus là pour assurer aux SDF la pièce pour le sandwich, les clopes ou le reste.

Cet été, une distribution quotidienne est prévue jusqu'au 14 août. Square André-Lhôte, donc, où le Coffee-Bus a installé son véhicule. En hiver, l'association assure des distributions de repas et de couvertures aux Aubiers, au Grand Parc ou à la Victoire. Avec en prime, grâce au bon gros bus, la possibilité de parler et de dépatouiller les obscures histoires administratives. « Les gens évoquaient souvent ce gros vide, l'été, se souvient Hervé Foucaud, le coordinateur de l'association. Avec le CCAS, qui réunit les associations concernées une fois par mois, on travaille donc à ce qu'il y ait une réponse à l'année en mutualisant les moyens. »

Pour cette première estivale, tout le monde s'y est mis : le Coffee-bus a mobilisé 70 bénévoles qui se relaieront durant tout l'été, les autres venant d'une dizaine d'associations comme le Secours catholique, le Diaconat ou le Pain de l'amitié. Et c'est la Banque alimentaire qui fournit les denrées nécessaires, ainsi que les cuisines pour la préparation des repas. Les poches distribuées chaque jour de 11 heures à 13 heures comprennent un plat chaud, éventuellement sans porc pour les musulmans, pour le midi, un sandwich pour le soir et des viennoiseries pour le lendemain. En prime, des fruits ou des légumes frais, des bouteilles d'eau à reremplir. Ni vin ni alcool, évidemment.

5 euros pour le mois

Le tout pour 50 centimes pour un panier complet, 2 euros pour la semaine et 5 euros pour tout le mois. « C'est une question de respect. En s'inscrivant par le 115, les personnes intéressées ont la certitude d'avoir trois repas tout au long de l'été. À elles de trouver 5 euros », explique Hervé Foucaud. L'aide alimentaire peut aussi être un projet d'insertion. D'ailleurs, le Coffee-Bus est gardé de nuit par un SDF bénévole issu du foyer Leydet.

Premier servi hier midi, Victor n'avait pas 5 euros. Ni même 50 centimes. Lui qui, en attendant, mangeait son pâté à même la boîte n'est pas reparti les mains vides : « Le pâté avec un pain, c'est quand même mieux. Je le garde pour ce soir », calcule Victor, finalement déridé. Joss, lui, a fait la manche pour gratter 1 euro. De quoi revenir dès aujourd'hui à André-Lhôte. Mais son voisin de pique-nique refuse d'en faire autant. Du coup, ses poches sont vides cet été aussi : « Le Bon Dieu m'a donné deux bras et deux jambes, c'est pour les faire marcher : je ne demande que du travail mais je ne trouve rien. Déjà, avec une qualification c'est dur en ce moment, alors sans... » Lui aussi est reparti avec son sac plein.

Le Coffe-bus entend distribuer ainsi 150 paniers-repas par jour. « Évidemment, s'il faut aller jusqu'à 200, on le fera. Le but est aussi de cerner les besoins », calcule Hervé Foucaud.

« On est quand même bien accueilli, à Bordeaux », sourient Luis et sa femme, qui faisaient hier partie des premiers bénéficiaires. Parfois, tout de même, leur galère leur file la rage. L'ouvrier agricole portugais raconte comment il a été escroqué par un employeur, portugais aussi, qui l'avait fait venir dans la région parisienne pour des travaux de débroussaillage en forêt. L'hébergement était OK, les repas aussi, plutôt bons même, mais à la fin du chantier, le patron s'était envolé. Direction l'Espagne, où l'homme avait prétendu avoir des terres. Luis et sa compagne ont suivi. Pour réclamer leurs droits. Chou blanc à nouveau. Avec en prime, un tendon sectionné au pouce en bossant quand même pour la famille « esclavagiste ». Opération à Bilbao et départ pour Bordeaux pour essayer de s'en sortir enfin. « Et qu'est ce que je peux faire d'autre ? En Espagne, il n'y a plus de travail. Retourner au Portugal ? Impossible, j'aurais trop honte, je n'ai rien réussi. Pour le moment, je n'ai rien trouvé comme travail à Bordeaux. Même obtenir un rendez-vous est difficile quand on n'a pas de CV, pas de carte vitale, pas de maison et qu'on ne parle pas bien français. Je ne veux pas mendier non plus. Je ne sais pas faire. Ce n'est pas une place pour ma femme d'être à un coin de rue à tendre la main. Ça non. »

Luis, le dur à la tâche a bon espoir d'être embauché pour les vendanges. Sauf qu'il faut tenir d'ici là. Cet été, ce sera donc le foyer Leydet pour la nuit et le square Saint-John-Perse le midi. Hier, avec sa compagne, ils sont allés manger leur plat du jour sur un banc. Il y avait même du raisin, fraîchement lavé par les bénévoles.

Auteur : catherine darfay
c.darfay@sudouest.com

Rédigé par jean

Publié dans #La ville

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